Ce que vous devez savoir pour (ne pas) déposer la marque « CORONAVIRUS » ou « COVID 19 »

Publicado el : 27/03/2020 27 marzo mar 03 2020

A l’heure où nous traversons des jours difficiles, où nombreux sont ceux qui craignent pour la survie de leur activité, certains visionnaires ne se laissent pas abattre et décident de surfer sur la vague coronavirus qui traverse actuellement la planète.

Depuis le début de l’épidémie, de nombreuses demandes de marques composées de ou incluant les termes « CORONAVIRUS », « COVID » ou « COVID 19 » ont été déposées dans le monde.

C’est même un véritable festival, dont voici quelques échantillons choisis : “CORONAVIRUS : MADE IN CHINA” (USA), « COVID19 PATROL » (U.E), « COVID MASK » (Pays-Bas), « COVID KIDS » (USA), « COVID FREE » (USA), « COVID 19 INFECTED » (USA), « COVID 19 RAPID TEST” (GB), “CORONAVIRUS WINES” (Italie),  (USA),

Après tout, « Le génie, c’est de savoir saisir les opportunités » (Antoine Bernheim). Oui, mais déposer le nom d’une maladie qui affecte tant notre société, peut-il vraiment constituer un coup de maître ?

En France, on note pour l’heure le dépôt de la demande de marque « COVID 19 » pour des vêtements et accessoires, principalement des articles de maroquinerie.

Dans un autre style, mais tout aussi prometteur, « Y A PLUS DE PQ » a également fait l’objet d’une demande, cette fois-ci pour des services de logistique en matière de marchandises.

Par le passé, d’autres grands visionnaires ont cru flairer la bonne affaire en déposant des demandes de marque telles que « GILET JAUNE », « JE SUIS CHARLIE » ou encore « LES SANS DENTS ».

Malheureusement, cette stratégie de récupération, on ne peut plus douteuse, n’a pas obtenu le succès escompté.

En effet, ces différents signes ne répondaient pas aux conditions exigées par la loi pour enregistrer une marque.

Pour être valable, une marque doit être disponible, licite et distinctive. Or au regard des deux dernières conditions, le bât blesse :
  • Pour être licite, une marque ne doit pas porter atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs. A ce titre, les juges considèrent que « ressortent de l'ordre public tant la préservation de l'État et de ses institutions que le respect des lois pénales qui répriment les atteintes portées à l'honneur et à la considération des personnes ainsi qu'à leur dignité, tout comme les comportements discriminants». Pour cette raison, la demande de marque « LES SANS DENTS » a été jugée contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, les juges estimant qu’elle serait perçue « comme une incitation à contrevenir à des principes essentiels au bon fonctionnement de la société ou comme une offense pour une partie du public concerné » (CA Paris, 26 avril 2016, RG n° 14/20555).
  • Pour être distinctive, une marque doit à la fois (1) être arbitraire par rapport aux produits et services qu’elle désigne (distinctivité extrinsèque), et (2) pouvoir être perçue par le public comme un indicateur d’origine de ces mêmes produits et services (distinctivité intrinsèque).
Or le signe « JE SUIS CHARLIE », parce qu’il était largement utilisé par la collectivité, n’était plus apte à être perçu comme une marque. Pour cette raison, l’INPI a considéré qu’il « ne peut pas être capté par un acteur économique » (Communiqué de l’INPI du 13 janvier 2015 « Demandes de marques « Je suis Charlie »).

Bien que l’on ne dispose d’une communication officielle de l’office s’agissant des demandes de marques « GILETS JAUNES », on peut légitimement penser que la même analyse a conduit l’INPI à les rejeter (à l’heure actuelle, sur les 21 demandes répertoriées, seules 2 sont enregistrées, dont l’une était bien antérieure aux évènements ayant donné naissance au mouvement des gilets jaunes).

A la lumière de ces décisions, on peut légitimement douter du succès d’une demande d’enregistrement portant sur le signe « COVID 19 ». Si la conformité du signe à l’ordre public et aux bonnes mœurs peut être discutée, compte tenu des évènements dramatiques inévitablement associés à cette dénomination, c’est surtout son absence de distinctivité autonome qui pourrait justifier le rejet de la demande de marque.

La position de l’INPI à ce sujet est donc attendue.

En revanche, la demande de marque « Y A PLUS DE PQ » ne soulève aucune interrogation quant à sa conformité à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

Sa capacité à être perçue comme une marque ne soulève pas non plus de difficulté, une marque pouvant tout à fait présenter un caractère humoristique ou parodique. En témoigne par exemple l’enregistrement des marques « CASSE TOI PAUVRE CON » ou « CASSE TOI POV’CON ».

Bien sûr la valeur juridique de ces propos devra être confrontée à une rapide réflexion sur la capacité de telles marques à soutenir la commercialité des produits ou services auxquelles elles seront attachées !

Aude MALHERBE, Avocate au sein du département IP/IT

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